Discussion du 7 décembre 2021
Voici les livres qu’ont appréciés les personnes présentes :
Poussière dans le vent de Leonardo Padura
L’ écrivain cubain décrit la vie à La Havane, dans les dernières décennies du 20ème siècle et au début des années 2000, au travers du destin du « clan ». Ce clan est constitué de quelques personnes, hommes et femmes, qui se sont rencontrées au lycée et ont noué de forts liens d’amitié. « Comment a-t-on pu en arriver là ? » se demandent-ils. Car au début ils y croyaient au communisme qui devait les mener vers une existence joyeuse et généreuse. La description de la vie quotidienne est effrayante, faite de privations, de débrouille. Presque tous veulent partir, quel qu’en soit le prix. Certains réussiront. Padura nous fait vivre, avec beaucoup d’émotion, de poésie et parfois d’humour, cette lutte de tous les instants pour survivre.
Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes de Lionel Shriver
Ce titre, choisi par l’éditeur, dans la version française, est assez surprenant. Dans sa version d’origine (USA) le livre s’intitule (en traduction) « Le mouvement du corps dans l’espace », titre qui donne une idée beaucoup plus juste du contenu. Et ne vous y trompez pas : Lionel Shriver, comme ne l’indique pas son prénom est une femme. Elle raconte avec beaucoup d’humour, la vie d’un couple de sexagénaires de la classe moyenne. Lui, tout nouveau retraité, décide de courir un marathon alors que pendant toute sa vie, il a plutôt pratiqué le sport devant la télévision. Elle ne le comprend pas. Deux visions vont s’opposer. Au travers de multiples péripéties, Lionel Shriver raconte les Etats-Unis contemporains, avec les intolérances, les absurdités auxquelles mènent la « discrimination positive » mal comprise, la soumission à la mode… Et on se rend compte qu’en France aussi, tous ces travers parfois drôles, parfois graves, se sont fait leur place.
S’adapter de Clara Dupont-Monod
Ce livre, paru à la rentrée littéraire de septembre 2021, a reçu le Prix Femina, le Goncourt des lycéens et le Prix Landerneau. En partie autobiographique, il raconte l’arrivée d’un enfant lourdement handicapé dans une famille et la façon dont les membres de la fratrie vont s’adapter : entre amour et répulsion, chacun va essayer de continuer à vivre sa vie par rapport à cet enfant différent. C’est un livre magnifique, porté par les paysages des Cévennes, où il se déroule. Dans une famille, comme dans les Cévennes, on a toujours besoin de l’autre. Il faut toujours s’adapter.
Que sur toi se lamente le Tigre d’Emilienne Malfatto
Le Tigre avec une majuscule car il s’agit ici du fleuve qui traverse la Mésopotamie. L’écrivaine raconte la vie d’une jeune irakienne enceinte alors qu’elle n’est pas mariée. L’homme qu’elle aime est mort. Elle sait ce qui l’attend dans ce pays où les traditions et l’islam sont toujours très prégnants. L’auteure nous fait pénétrer dans les subtilités d’une société fermée,régentée ses codes, l’autorité masculine. Ce livre a valu à Emilienne Malfato le Prix Goncourt du premier roman.
Dans ma rue, il y avait trois boutiques d’Anthony Palou
L’auteur est quimpérois, fils de commerçants très connus dans la ville, il y a quelques années. Il fait ressentir l’ambiance des halles, du centre-ville, remarque le déclin des petites boutiques qui rythmaient les rues quimpéroises.C’est l’histoire des artisans qui ont vu leur activité décliner, souvent en raison de la multiplication des grandes surfaces en périphérie de la ville. Ce livre a reçu le Prix Renaudot de l’essai 2021.
Le pavillon des combattantes de Emma Donoghue
Dublin, 1918. La guerre mondiale se termine mais la guerre intérieure, pour l’indépendance de l’Irlande est toujours là. Et une autre guerre s’est déclarée : la grippe espagnole sévit en Europe et bien sûr en Irlande. Ce livre est un hommage aux femmes et aux soignants : à l’hôpital de Dublin, Julia Power, infirmière, aidée par une jeune orpheline bénévole, Bridie Sweeney et occasionnellement par Kathleen Lynn, ,médecin , membre du Sinn Féin recherchée par la police va tout mettre en oeuvre pour garder en vie des femmes enceintes atteintes par cette grippe. c’est un défi à la mort, dans un huis clos intense et fiévreux qui transforme les soignants comme les malades.
Buveurs de vent de Franck Bouysse
C’est un livre très poétique, l’histoire d’une fratrie au sortir de la seconde guerre mondiale. Nous sommes dans un petit village où vivent trois frères et une soeur très soudés, quelque part dans la montagne. L’auteur décrit les personnages avec précision, chacun avec son individualité. Tous travaillent, comme leur père, leur grand-père avant eux et la ville entière, pour le propriétaire de la centrale, des carrières et du barrage, Joyce le tyran, l’animal à sang froid… Un roman sur la puissance de la nature et la promesse de l’insoumission.
Rien ne t’appartient de Natacha Appanah
D’origine mauricienne, l’auteure raconte une histoire qui se passe probablement au Sri Lanka. Le livre est violent. Tara essaie de se reconstruire, après le tsunami qu’elle a vécu. Elle a complètement occulté son passé à la mort de son mari et s’est laissé aller dans un appartement transformé en taudis. Mais en elle gronde quelque chose, l’amnésie se fissure : autrefois, elle était quelqu’un d’autre, avec un autre prénom, quelqu’un qui aimait rire et danser.
Nos espérances de Anna Hope
Anna Hope met en scène trois jeunes femmes, amies, qui vivent dans les années 90, à Londres, de façon différente : profils professionnels et privés ne se ressemblent pas du tout. Mais elles partagent quelque chose : leur vie n’est pas vraiment ce dont elles ont rêvé. C’est un regard sur la femme et une interrogation : quelle place pour la femme dans la société actuelle ? Chacune répondra à sa façon à cette question. Comme dans ses précédents romans (Le chagrin des vivants et La salle de bal), l’auteure dissèque les sentiments, les émotions de ses personnages et nous fait ressentir leur mal-être et leurs espérances.
L’éternel fiancé de Agnès Desarthe
C’est un roman riche en rebondissements, parfois difficile à suivre car il n’y a pas de véritable logique. Deux enfants de quatre ans se déclarent leur amour pendant un concert de Noël, qui plus est, dans la salle des mariages de la mairie. La fillette, la narratrice, va grandir, mûrir, vieillir, et elle recroisera régulièrement, à l’improviste, le garçon qui lui, ne la reconnaît jamais. Qu’est-ce qu’une vie ? Qu’est-ce qui en constitue le centre ? Qu’est-ce que l’amour ? Où file le temps qui passe et de quoi se souvient-on vraiment ? C’est ce que raconte ce livre qui dépeint la vie comme une partition musicale à plusieurs voix, en trois mouvements, avec des mélodies qui reviennent, des ruptures de rythme, des modulations, des harmonies et des contretemps.
Un tesson d’éternité de Valérie Tuong-Cong
Un fils qui se retrouve en prison. D’où vient cette violence qui l’habite ? Anna sa mère a bâti sa vie, brique après brique : elle a une famille « bien sous tous rapports ». Mais ce grain de sable va faire tout éclater, les brèches vont se rouvrir, la souffrance si longtemps contenue va resurgir. Valérie Tuong-Cong a une écriture précise, fluide, et construit son livre de façon très brillante.
L’ami arménien de Andreï Makine
Un roman qui parle des arméniens déracinés. Un livre plein de nostalgie écrit de façon simple et limpide.Un roman sur l’exil, les destinées échouées. En rendant hommage à Vartan, son ami disparu, l’auteur rend hommage à tous les arméniens arrachés à leur terre dont il dit que « ce sont des copeaux humains, des vies sacrifiées sous la hache des faiseurs de l’Histoire ». Pourtant ce n’est pas un livre triste : il est plein d’une humanité touchante.
Premier sang d’Amélie Nothomb
L’auteure raconte la vie de son père dans un livre extrêmement bien construit. C’est un roman lumineux, bien écrit, simple. C’est un magnifique hommage à la figure paternelle mais aussi à un héros de l’ombre, diplomate à la carrière hors norme. Ca se lit rapidement, le rythme est cadencé, et l’on se plonge dans une histoire plus ou moins abracadabrante : la succession des anecdotes, particulièrement les vacances chez le grand-père Nothomb ne lasse pas, amuse par moments et au final, tout cela est bien réussi.